Après la Force de l’Art 2009, les travaux (dessins, aquarelles, sculptures et estampes URDLA) entament une tournée : Saarlandmuseum, Sarrebruck, Allemagne, jusqu’au 15 novembre, Villa Merkel, Esslingen, du 13 décembre 2009 au 7 février 2010, Musée de Saint-Gall, Suisse, du 13 février au 16 mai 2010. Pour la France, c’est à l’URDLA à Villeurbanne que ces travaux sont visibles. En guise de catalogue, nous avons choisi de co-produire avec Éric Pellet un film documentaire et d’assurer l’édition en DVD. Cinquante-neuf minutes permettent d’appréhender les différentes techniques de l’estampe, le long travail d’atelier indispensable à la réalisation et à l’impression des gravures mais aussi, grâce à l’entretien enregistré avec l’artiste, de suivre ses préoccupations.
Biographie Damien Deroubaix
Damien Deroubaix est né en 1972 à Lille. Après l’École des beaux-arts de Saint-Étienne, il s’installe à Paris qu’il quittera très vite pour Berlin. Ainsi Thibault de Ruyter le qualifie-t-il de plus allemand des peintres français. Pendant sa vie parisienne, l’artiste se plaisait à répondre à ceux qui l’interrogeaient sur son activité qu’il faisait de l’aquarelle – comme les vieilles dames. Aquarelle, dessin, encre, auxquels il adjoint souvent des tirages d’essai des gravures, utilisant l’ensemble des techniques traditionnelles de l’estampe (taille-douce, bois gravé et lithographie), il ne se prive d’aucun des savoir-faire rangés dans les tiroirs de la ringardise pour une œuvre vouée au papier.
Les premières gravures de Damien Deroubaix à l’URDLA furent réalisées en 2001. Ces eaux-fortes délicates, qui proclamaient déjà Die Liebe ist kälter als der Tod, constituent pourtant
aujourd’hui les incunables d’une œuvre qui a depuis trouvé de nouvelles voies d’expression. Dans la série de six grands bois gravés (160 x 120 cm) qui forme le noyau de l’exposition URDLA, il assortit les motifs et la construction propres à sa langue de nombreux clins d’œil à Dürer. Manière d’hommage puisque c’est à Nuremberg que cet ensemble fut dévoilé en décembre 2008.
Dans chacune des estampes on retrouve ce souci du montage et du carambolage qui court aussi bien à travers l’œuvre picturale que dans ses sculptures-installations. À l’évidence des signes de la culture heavy metal (de là viennent souvent les titres) et des cultures populaires, Damien Deroubaix adjoint de nombreuses références à l’histoire de l’art : les citations de Dürer comme les arbres de Roots, ou bien l’aile dans Das große Glück, et le titre même de l’exposition… Devant L’homme nouveau – un squelette de gorille qui se détourne et qui défèque le mot money –, face à la récurrence dans les autres dessins des croix gammées et des têtes de mort SS, on songe à la sculpture portant le même titre d’Otto Freundlich reproduite en couverture du catalogue de l’exposition Art dégénéré organisée par les nazis en 1937. Les crânes ou les animaux poussent un « yeah ! », cri de satisfaction pornographique ; les ampoules diffusent de la lumière noire ; des squelettes chevauchent des requins… En somme, il fait feu de la provocation, de la violence et des caricatures du monde capitaliste et post-moderne.
Morceaux choisis
« La peinture de Damien Deroubaix est liquide. Elle coule comme des humeurs corporelles. Elle tache le papier à plusieurs reprises. Elle se superpose et imbibe la surface. Comme Bacon effaçait les papes au vitriol, Deroubaix fait couler, dégouliner ses personnages. Après tout, les logos des groupes metal associent souvent le tranchant de la hache à la goutte de sang. C’est la première provocation picturale que l’on puisse imaginer : faire couler, laisser pisser, cracher et baver. Tout le contraire de ce que l’on peut entendre par “ bien fait ”, le contour et l’aplat parfaits » (Thibault de Ruyter, 2004).
« Nous connaissons les Quatre cavaliers de l’Apocalypse. Ils symbolisent conquête et victoire (la monture du cavalier en question est blanche), guerre (le cheval est rouge) et famine (le cheval est noir), le cheval pâle, blème signifiant peur, pestilence, déchéance et mort. Dérivé de la Bible et mis en scène dans l’art de tout temps […] ce langage iconographique est aujourd’hui paraphrasé jusque dans les bandes dessinées et la musique pop, ainsi l’album London Calling (1979) du groupe culte The Clash, chez Metallica, ou, justement, dans l’œuvre de Damien Deroubaix. Celui-ci modifie les cavaliers apocalyptiques et les transpose dans le temps présent. L’un de ses cavaliers agit sous le mot d’ordre du Business ; son cheval, à en croire l’inscription dans la bulle qui l’accompagne, pense à la mort, et l’action est tout entière vouée à la poursuite de l’argent. Les tableaux de Damien Deroubaix se présentent souvent en grand format, pouvant aller jusqu’à occuper des pans de mur entiers, si bien que leur spectateur se retrouve comme plongé au cœur de l’action. Ils formulent de toute évidence une critique du capitalisme et des valeurs de la société actuelle. » (Andreas Baur, Villa Merkel, Die Nacht, Verlag für moderne Kunst, Nürnberg, 2009).
« Si les visions d’horreur et les monstruosités que l’œuvre de Damien Deroubaix nous donne à voir peuvent à première vue sembler d’une noirceur et d’une violence effrayantes, une lecture plus poussée les identifiera comme des références bien ancrées dans la mémoire culturelle collective. L’œuvre de Damien Deroubaix a pour sources l’histoire de l’art en tant que telle et la culture populaire, tant de l’Occident que de contrées lointaines telles que le Mexique ou l’Asie, mais encore la culture dite du quotidien ou populaire contemporaine. […] Dans ses œuvres, qui se caractérisent par un savoir-faire irréprochable et se servent de techniques supposées caduques, Damien Deroubaix s’avère être un brillant pathologiste de la mémoire visuelle de l’art. Où l’on reconnaît que toute cette horreur, cette atrocité, la pesanteur des significations et des sujets apocalyptiques ne sont pas visées en tant que telles : le peintre aurait tout aussi bien pu choisir des paysages idylliques, des angelots ou des champs de fleurs comme exemple de son travail. » (Ralph Melcher, Saarlandmuseum, Die Nacht, Verlag für moderne Kunst, Nürnberg, 2009).
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URDLA
Vernissage samedi 10 octobre – 12h