Pourquoi comparer lithographie et sérigraphie ? Qu’est-ce qui les différencie ? Cet article a pour objectif de répondre à ces interrogations afin d’affiner son regard et son approche en matière d’œuvres multiples et de pouvoir mieux se repérer.
Rappel de définitions
Qu’est-ce que la sérigraphie ?
La sérigraphie est ce que l’on décrit comme un procédé ajouré c’est-à-dire qui repose sur un système de pochoirs – ou « patrons ». Il s’agit de formes évidées à travers lesquelles on dépose les encres de couleurs à l’aide d’une brosse, d’un rouleau ou encore d’une raclette. Le sérigraphe utilise un tamis de soie, désormais remplacé par le nylon ou du polyester finement tissé, tendu sur un cadre de bois. Ce tamis constitue la matrice d’impression. L’artiste obture certaines parties de cette maille à l’aide d’un vernis en anticipant le résultat qu’il veut obtenir pour chaque couleur ; l’encre ne pourra pas traverser ces parties.
Elle apparaît en Chine au Xe siècle ; on peut parler de « gravure sur soie » d’où sa dénomination. La forte émigration chinoise du XIXe siècle l’introduit aux États-Unis et elle est aussitôt employée dans toutes sortes de pratiques industrielles. Ce sont les soldats américains qui l’importent en Europe lors de la Seconde Guerre mondiale.
La sérigraphie est utilisée de manière universelle et s’adapte à tout type de support : publicité, affiches, signalisation routière, vitrines, couvertures de livre, architecture, vêtements.
Les artistes américains de la génération du Pop Art l’ont largement employée. L’effet produit par la sérigraphie, des couleurs vives posées en aplat, en a fait également un médium particulièrement adapté à la pratique d’Henri Matisse par exemple. Cf Qu’est-ce que la sérigraphie ?
Qu’est-ce que la lithographie ?
La lithographie repose sur la répulsion du gras et de l’eau. L’on dessine le motif en gras sur une pierre calcaire qui sera mouillée tout au long du tirage. Ainsi, les parties mouillées refusent l’encre grasse d’impression qui ne se dépose que sur les motifs gras avant d’être pressée sur le papier.
Elle est inventée par Aloys Senefelder, en Allemagne, à la fin du XVIIIe siècle ; il cherchait un moyen de diffuser ses partitions musicales. Napoléon Bonaparte contribue à l’essor de cette technique d’impression, meilleure marché et plus rapide que celles préexistantes. Rapidement, elle est utilisée pour l’ensemble des usages relevant de l’impression – affiches, menus de restaurant, journaux, livres, chèques… – et constitue l’origine de l’impression industrielle. Cf Qu’est-ce que la lithographie ?
Ce qui rapproche lithographie et sérigraphie
Lithographie et sérigraphie sont deux techniques qui ont pour objet de produire une image en plusieurs exemplaires. Elles reposent toutes les deux sur l’usage d’une matrice, la pierre en lithographie, le tamis pour la sérigraphie. Et pour l’une ou l’autre, il faudra produire autant de matrices que l’on souhaitera appliquer de couleurs.
Ce qui différencie lithographie et sérigraphie
Les matériaux et matériels utilisés
La différence majeure est, qu’en lithographie, on fait usage d’une presse alors qu’en sérigraphie non. D’un côté, pierre, graisse, presse, encres à base d’huile, de l’autre, écran tendu sur cadre, raclette, encre à bases d’eau ou de solvant.
Image miroir ou non
En lithographie, on obtient une image miroir du dessin sur la pierre. Ce que l’on a dessiné à gauche est imprimé sur la droite de la feuille de papier. En sérigraphie, il n’y a pas cet effet d’inversion dans le processus de réalisation.
Les effets produits
Avec une seule couleur d’encre, en sérigraphie, on obtiendra nécessairement un aplat alors que la lithographie peut permettre d’obtenir des teintes ou des nuances en disposant plus ou moins de graisse sur la pierre au moment du dessin.
Les résultats issus de ces techniques distinctes produisent des images sans trame. Cependant, on obtiendra des détails en lithographie et l’on pourra percevoir un grain qui correspond à celui de la pierre qui seront nécessairement absents d’une sérigraphie. La sérigraphie garantira au contraire une qualité et une profondeur des aplats.
Les mélanges chromatiques sont impossibles en sérigraphie, c’est pourquoi les images résultant de cette technique sont toujours fortement définies, en contours comme en couleurs. Au contraire en lithographie, l’on peut obtenir avec certaines encres des mélanges chromatiques, comme dans cette estampe de Max Schoendorff.
Enfin, le plus fréquemment, l’on n’utilisera pas le même type de papier : on privilégiera un papier plutôt lisse en sérigraphie alors que pour la lithographie, on aura tendance à choisir un papier au grain plus lourd.
La sérigraphie relève-t-elle des techniques de l’estampe ?
La question a pu faire débat entre les imprimeurs du fait de l’absence d’usage d’une presse. Si un pochoir n’est pas une estampe car la couleur y est déposée comme pour un dessin, on peut considérer que la sérigraphie en est une car l’encre est écrasée à travers un tissu matrice, à l’aide d’un râteau. Mais à l’invention de la lithographie, les graveurs l’ont aussi dénigrée en-dehors de l’estampe… Dans les pratiques d’aujourd’hui ces chapelles n’ont plus de sens : la qualité de l’œuvre, soit de la proposition de l’artiste et la qualité et la rigueur de l’impression, la pertinence du choix de telle ou telle autre technique au regard de l’œuvre sont des éléments d’appuis plus probants.
À URDLA
URDLA ne pratique pas la sérigraphie mais la taille d’épargne, la taille-douce et la lithographie. Deux imprimeurs sont en charge de ces techniques pour accompagner les artistes. La lithographie est pratiquée d’un point de vue technique de manière traditionnelle, sur presses et pierres centenaires. L’on remarquera cependant la présence de sérigraphies dans le catalogue de l’association.
Celles-ci ont été réalisées dans le cadre de projets qui impliquaient cette technique et leur conception a fait l’objet d’un appel à des prestataires extérieurs.
Bibliographie
Rien que pour vos yeux. Petit traité des techniques de l’estampe, Musée Jenisch Vevy, Scheidegger & Spiess disponible auprès de la Librairie Descours.