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Samaneh Atef, art brut ?
par Cyrille Noirjean

L’abord de l’art brut par ceux des arts qui n’en relèvent pas est souvent gauche. Christian Berst, dans le texte d’ouverture du catalogue « Brut Now » en déplie les gaucheries et les maladresses avec précision. La nomination vise une personnalité atypique, extraordinaire qu’« art des fous » synthétise par la localisation dans l’autre d’un auteur exclu de la communauté : de l’art (de l’académie), de la société (policée). S’aperçoit le mouvement qui dicta à Dubuffet « une critériologie fondée sur l’autodidactie, voire l’exemption de culture, conditions qu’un examen même sommaire suffit à disqualifier tant elles sont teintées de rousseauisme petit-bourgeois. Comme un relent lointain de la pensée coloniale sur l’art nègre, censément infantile et inculte. » Ainsi une forme néo-primitivisme fixe le genre. Depuis les théorisations des années 1940, de nouvelles conceptualisations appuyées sur les pratiques ont élargi le champ qui se trouve nourri des pratiques dites contemporaines (à la fois les mouvements esthétiques mais aussi des outils). Les deux champs ne sont pas imperméables.

Que faire quand l’art brut est invité dans un lieu d’art estampillé contemporain comme URDLA ? Qu’en dire en évitant les travers ci-dessus esquissés ? Peut-être relire le catalogue des éditions avec pour fil : quelles œuvres, quels artistes relèveraient de l’art brut ? Le seul critère du langage plastique y suffira-t-il ? Dès lors la constitution de l’ensemble est mouvante : Robert Abrahamian, Frédéric Aeby, Josef Camara, Choco, Yvan Gardea, Erta. Mais si on lie au langage plastique, la forme, l’engagement dans la pratique artistique et la vie, pourquoi ne pas y ajouter Fred Deux, Onuma Nemon, Charlemagne Palestine, Jean-Luc Parant ou Pierre Pinoncelli ? 

Samaneh Atef entre au catalogue URDLA ; elle est déjà présentée et repérée par la scène de l’art brut : son parcours l’y inscrit. À sa naissance en 1989, à Bandar Abbas, ville iranienne du détroit d’Ormuz, son pays est à l’aube de sortir de plus de dix ans de guerre avec le voisin irakien. Ce passage elle le vivra à Astaneh Ashrafieh, au nord de l’Iran, sur les bords de la mer Caspienne. En trente ans le pays passe de l’ouverture à la culture internationale à un état totalitaire, d’un peuple qui se soumet au martyr à un peuple qui se révolte. C’est lorsqu’elle a vingt ans en 2009, qu’un soulèvement populaire de masse et une répression meurtrière de l’état animent de nouveau le pays. Très récemment, en 2020 les autorités usent de la force et de la violence pour réprimer les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion.

Les tentatives singulières de Samaneh Atef de donner une image et un corps aux peurs qui l’assaillent, aux cauchemars n’ont pas de place dans un état qui entend régir les convictions intimes. Ainsi-a-elle pu arriver en France, à Lyon, en avril 2020 et depuis obtenir un statut qui lui assure la sécurité et lui permet de poursuivre sa bataille subjective.

Son advenue au dessin n’est pas linéaire, elle s’appuie sur différents moments de crise qui éclairent parfois son histoire, dessinant depuis son enfance, ses études l’amènent à devenir ingénieure informatique. La rencontre de Frida Kahlo, à la fois de l’œuvre à la fois de la vie, qu’elle doit à un ami qui lui met entre les mains une monographie de l’artiste mexicaine, ouvre à Samaneh Atef un champ de possibles. Sans doute identifie-t-elle la possibilité de représenter sa réalité, fusse au prix du malentendu, c’est-à-dire que cette réalité apparaisse une rêverie cauchemardesque aux regardeurs. Aussi se souvient-elle des jeux de son enfance à former avec du pain trempé dans l’eau des créatures étranges qui la terrorisaient et produisaient des visions nocturnes effrayantes. Un artiste et ami iranien (dont il convient ici de taire le nom) reconnaît dans les dessins que lui montre Samaneh Atef, la nécessité qu’il y a pour elle de cette pratique, la valide et l’encourage. Grâce à ses connaissances informatiques elle accède à Facebook, interdit en Iran, et diffuse-t-elle en plus d’Instagram des images « décentes » de ses dessins qui lui donne accès à des expositions à l’étranger. Elle a vingt-cinq ans lorsqu’elle quitte pour la première fois l’Iran pour une exposition en Serbie. Rapidement ses œuvres sont montrées et acquises, lui confèrent une indépendance financière et la possibilité de découvrir d’autres pays. 

Dès lors s’engage-t-elle dans cette entreprise de fixation de ses frayeurs articulées à sa propre culture : les dessins de Samanef Atef s’inscrivent dans la tradition persane, s’y retrouvent certains motifs (l’arbre) mais aussi les poses des personnages notamment féminins. Les orifices du corps d’une femme, dans un rapport métonymique à leur forme d’amande, échangent leur place, se multiplient sur la feuille. S’y manifeste la contestation de la confiscation par l’état du corps des femmes, mais aussi le morcellement d’un corps qui se dissout dans la multitude. Avec combien de visages doit composer une femme pour se tenir en sujet ? Regard, sexe, bouche ne se laissent pas fixer à une place et intiment au regardeur de produire une unité à des figures multiples et esseulées qui errent entre la vie et la mort. L’État veille ; la notoriété à l’étranger de Samaneh. Les rouages ancestraux du totalitarisme se mettent en place : d’abord l’intimidation souriante à l’étranger et en public, puis l’arrestation sous un prétexte fallacieux et l’interrogatoire dans son pays, enfin la menace franche : « on te regarde. » Elle doit s’enfuir.

Charlotte Beradt, dans son ouvrage « Rêver sous le IIIe Reich » (1966) révèle qu’un régime totalitaire et violent produit chez ceux qu’il soumet des rêves et des cauchemars unifiés au-delà des particularités singulières. Vivant aujourd’hui à l’abri de la violence d’état, quelles formes Samaneh Atef donnera-t-elle à la violence et à la rage de l’inconscient qui malmène chaque sujet.  Quelle écriture lui viendra ? On peut lire dans ses dessins des proximités formelles avec certaines recherches de Fred Deux et d’Unica Zurn qui semblent être une voie qu’elle suit, notamment dans les dessins sur des cartes géographiques. Avec tout cela, est-ce nécessaire de qualifier sa pratique d’art brut ? 

6 mai 2021
Samaneh Atef
Cyrille Noirjean
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