[English version] Arborescente et polymorphe, la production d’Anne-Lise Coste se déploie sur des murs, dans des pages de carnet, en sculptures ou en installations dans lesquelles elle mobilise les différentes techniques de dessin et de peinture. Avec son corps comme mesure de son oeuvre qui définit ses possibles par dépôt de son empreinte.
Moins des mots d’ordre que désordre de mots, nombre des oeuvres d’Anne-Lise Coste parmi lesquelles celles éditées par URDLA sont des appels à recomposer notre relation au monde. Son travail, qui renvoie à la calligraphie comme au graffiti urbain, se teinte des couleurs franches de Joan Miró et dissipe la distinction de nature entre mot et image. Anne-Lise Coste déstructure les mots qui deviennent des phonèmes visuels. Sons et images déjouent le sens.
Anne-Lise Coste associe la spontanéité et l’immédiateté du geste offert par le spray à la production de multiples permise par la lithographie. Elle renvoie ainsi à une forme populaire de la subversion politique, celle de l’inscription urbaine et de l’affichage militant. Dès le XVIe siècle, durant le soulèvement connue sous le nom de Guerre des paysans, des artistes ont soutenu les volontés de révolte et d’émancipation en profitant des capacités de diffusion de l’image imprimée. En associant dans sa pratique l’outil moderne de la bombe de peinture et le savoir-faire traditionnel de l’impression lithographique, Anne-Lise Coste rappelle l’intemporalité de cette subversion. Le geste qui trace un mot à lire l’inscrit dans cette histoire de l’estampe dont elle se fait l’héritière.
La spontanéité du geste artistique rend compte du sentiment d’urgence qui traverse la production d’Anne-Lise Coste. Elle se jette avec vertige dans l’acte de création et fait se répondre l’immédiateté du faire avec celle du voir. Jusqu’à l’épuisement, jusqu’à cette fulgurance du geste, l’artiste est une caisse de résonance. Sur les lithographies d’Anne-Lise Coste, pages effeuillées d’un livre, manifeste poétique « pour le ciel comme pour le cœur des chiens », se lit l’urgence. Fixée dans la pierre et imprimée, elle devient méditative ; incantation ou mantra criés silencieusement contre l’entrave, le geste tente de devenir ouverture.
La grande fidélité à l’image de l’impression lithographique ainsi que la rapidité avec laquelle se font les tirages permet de décliner un même geste pour en faire des traces différentes. Par le jeu des associations et des répétitions, des juxtapositions et des superpositions, les mots, les couleurs et les formes deviennent polysémiques. Cet usage des signes par Anne-Lise Coste dévoile la porosité d’un monde poétisant et d’un monde de revendications. Nous danserons offre aux visiteurs une polyphonie silencieuse dans laquelle l’intime devient un slogan politique : en partage dans ce nous qui rassemble.
URDLA
samedi 20 mars de 14h à 17h30
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samedi 22 mai de 15 h à 16 h
(sur réservation)
« Nous danserons »
à l’Institut français – Berlin,
jusqu’au 11 juillet 2021.