Tour à tour, Laura Ben Haïba et Rémi De Chiara exposent « dans » la voiture ou en sont commissaires, invitant d’autres artistes comme Valentin Defaux, Super F-97 est un prologue à l’exposition se déployant à URDLA, 202 432 kilomètres ou un lieu de monstration autonome, Grand Tourisme. Le prochain lieu de stationnement du véhicule est le MAC, Musée d’art contemporain de Lyon, les deux artistes ayant été invités par les commissaires à concevoir « une exposition dans l’exposition », après avoir fait étape dans l’environnement de La Halle, centre d’art de Pont-en-Royans, au pied du Château de l’Arthaudière.
À cette occasion, URDLA édite une nouvelle estampe à quatre mains, après la parution en 2019 de Talon-pointe la matrice est le tapis de sol conducteur qui, imprimé sur papier Japon, crée un motif qui peut faire écho à l’aérospatial et aux vaisseaux.
Cet automne, s’ajoute ainsi au catalogue d’URDLA Aéro-toit, une linogravure de grand format, dans laquelle le dessin apparaît en réserve, soit en blanc sur un fond bleu. Immédiatement, l’imaginaire des panneaux de signalisation et des pictogrammes est convoqué. Mise-en-abîme, Super F-97 est le sujet de la gravure, reprise d’un schéma issu du manuel de la voiture, augmentée d’un toit, qui apparaît à la fois comme un abri, protecteur, et une aile qui permettrait au véhicule immobilisé de s’élever dans les airs. Double mise-en-abîme, le dessin fonctionne aussi comme le plan de l’installation qui est celle de l’artist-run-space au MAC.
C’est ainsi une sorte de chimère automobile que l’on pourra découvrir jusqu’au 3 janvier 2021 à la Cité internationale et à travers l’estampe éditée par URDLA à 20 exemplaires. Or, dans le même temps, c’est bien une sorte d’état des lieux d’ordre mythologique qu’établissent les artistes à travers l’ensemble de dessins, nommé La Décélération, présenté à l’intérieur de Super F-97. Par ailleurs, cette chimère devient le passe, via une petite carte autoéditée par les artistes à 97 exemplaires, guidant les visiteurs de l’intérieur du musée à sa terrasse. Dimension hybride qui caractérise le projet, le concept, qu’est Super F-97 et ses déclinaisons multiples : intériorité/extériorité, immobilisation/nomadisme… ainsi trouve-t-elle sa juste place dans l’exposition Comme un parfum d’aventure au MAC qui interroge notamment les déplacements contraints et volontaires. Hybridations floutant jusqu’au statut classique des visiteurs de lieux d’art, qui se retrouvent dans une posture de « voyeur », en regardant ce qui se joue à travers les vitres d’une voiture qui n’est pas la leur.
Ainsi s’expérimente la question du nouvel usage des objets et édifices déclassés, dépourvus de leur fonction originelle. Question qui sous-tend les problématiques du champ patrimonial et d’une manière connexe celles de nombres de lieux d’exposition qui prennent place dans des bâtiments dont l’usage premier était autre et souvent utilitaire – ainsi URDLA se déploie dans les locaux d’une ancienne usine textile.
Augmentée d’un toit, Super F-97 se fait abri pour les visiteurs, renforce la dimension de possible habitat de tout véhicule, convoque l’univers du tuning… Chimère automobile qui est aussi un support fictionnel. Dans le prolongement du printemps 2020 qui a vu les routes et les rues largement désertées par les voitures, les artistes se demandent : que deviendrait – ou non – l’ensemble du parc automobile si sa fonction première – rouler, se déplacer – n’était plus d’actualité ? Science-fiction ? Qui flirte cependant avec les tentatives actuelles de modifier la question des mobilités en ville. Le pictogramme d’Aéro-toit comme une invitation à mettre sous couvercle le déplacement en voiture ? À envisager l’ère post automobile ? Comme une invitation, c’est certain, à décélérer.
Parallèlement, l’on peut découvrir un ensemble de lithographies de Rémi De Chiara seul, éditées par URDLA en 2016.