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Vendredi 13,
Franck Belpois

Ce texte en écho à celui de Blandine Devers, La dernière séance ; il sera alors question de différents échos et de rencontres diverses — puisque « la médiation est avant tout une affaire de rencontre » —  du genre de celles dont on se souvient et durant lesquelles se sont jouées des choses. Avec cette fois-ci le point de vue de l’enseignant, le vendredi 13 mars 2020, après-midi noyée de soleil, dans la salle des Archives d’URDLA pour la première, et pour l’instant la seule, des quatre séances d’atelier de pratique artistique du projet initié et mené par Hervé Tugaut, professeur au lycée Albert Camus de Rillieux-la-Pape dans le cadre du cours d’Histoire-Géographie, Géographie Politique et Sciences Politiques (HGGPSP, bel – et long et nouvel – acronyme), autour de la frontière, avec la collaboration de la plasticienne Maïté Marra et en partenariat avec URDLA. J’ai la classe en cours de français et j’ai encadré cet atelier.

 

Premier point, l’enseignant rencontre des élèves sous un autre jour, avec un éclairage qui change la perception qu’il peut en avoir, laquelle est souvent biaisée et incomplète car prisonnière d’un prisme purement scolaire induit par l’institution : la salle de cours, les exigences attendues, les obligations contractuelles de part et d’autre, la difficulté à les tenir de part et d’autre aussi. Je rencontre alors un nouvel élève que je n’avais pas pris le temps de voir ou qu’aucune occasion ne m’a permis de deviner ou alors très vaguement. Ce nouvel élève, il est devant moi, surprenant, notamment car il sourit, il est concentré et il aime ce qu’il est en train de faire avec un réel, et rare, enthousiasme. Il se joue alors quelque chose de régulièrement miraculeux : l’atelier de pratique artistique à URDLA me permet de découvrir d’un élève, que je vois pourtant souvent, un autre point de vue qui change la donne. Il y a des élèves qui ne lâchent rien d’eux-mêmes, dont je ne sais pas grand-chose, juste le minimum vital pour que le cours puisse fonctionner et l’année se passer ; et à travers leur gravure, j’entraperçois quelque chose sur eux, mettons comme un bout d’univers personnel, quel qu’il soit, quelque chose comme une porte entrouverte, pas une invitation, juste ça, l’autorisation du coup d’œil.

 

Cela veut dire qu’après, souvent, le rapport entre moi et lui – la maladresse ici fait sens – a changé et que, sur ce point, peut se créer une nouvelle dynamique : je l’ai vu différemment, je l’ai vu à fond la caisse dans son projet, en interaction avec lui, avec les autres, avec les médiateurs, avec l’artiste qui encadre plastiquement le projet. Les cartes sont redistribuées et après, je ne dis pas que c’est mieux qu’avant, c’est juste différent.

 

En plus, je vois leurs mains faire autre chose qu’écrire, que faire le bâton de majorette avec leur stylo, que rechercher leur portable discrètement, que dessiner et s’évader. Mine de rien, là aussi je vois une habileté parfois nouvelle et surprenante, souvent inattendue et déliée, une dextérité que je ne soupçonnais pas car trop focalisé sur les seuls résultats scolaires.

 

L’autre rencontre, évidemment plus cruciale, c’est celle que l’élève fait avec la pratique et partant avec lui-même. L’activité est pour lui nouvelle la plupart du temps, surtout pour un élève de lycée qui ne suit plus l’enseignement d’Arts Plastiques. Il est là, méchamment concentré, plaque de lino ou de plexi, gouges, stylets, à graver, à poser des questions très techniques à l’artiste et aux médiateurs, à imaginer quel sera le résultat imprimé, à réfléchir et là, il change de statut, il devient pour un temps donné un artiste en ceci qu’il est totalement responsable et maître de son projet du début jusqu’à la fin, seul maître à bord ; on l’a aidé, guidé, conseillé, mais durant cet atelier c’est à lui de jouer et il le fait sur un temps bref, pas loin de deux heures, durant lesquelles il a le droit de parler, de rire, de se lever, d’aller voir d’autres élèves, de commenter, de conseiller, de demander conseil en retour. Les Archives deviennent une salle de cours rêvée, un espace de liberté de mouvements, de gestes, un lieu joyeux et en même temps un lieu d’apprentissage, de concentration, de carburation, avec de vrais questionnements sur une pratique qui alors fait pleinement sens à leurs yeux (Et si je fais ça comme ça, alors j’obtiendrai quoi après ? Et comment je peux créer un peu de mouvement ? Quand est-ce que je m’arrête de graver ? À partir de quand mon œuvre est-elle finie ? Est-ce que je vais obtenir cet effet ?). Pas impossible alors que pédagogiquement ce soit le cours parfait, c’est-à-dire celui où l’élève est à la fois dans un rapport d’intuition heuristique avec ce qu’il est en train de faire, de tâtonnement efficace, et d’appropriation rapide d’éléments extérieurs (on lui dit comment obtenir tel effet souhaité sur l’image imprimée) et de réemploi immédiat et intelligent de ce qu’on vient de lui dire ; cours parfait car il s’est approprié quelque chose, ici à la fois une technique et le résultat de cette compétence, et il l’a fait de lui-même, au cœur de l’action même de la gravure et en plus, avec le sourire. Pour reprendre les mots de Montaigne : « Les abeilles pillottent deçà delà les fleurs, mais elles en font après le miel, qui est tout leur  ; ce n’est plus thym ni marjolaine : ainsi les pièces empruntées d’autrui, il [l’enfant] les transformera et confondra, pour en faire un ouvrage tout sien, à savoir son jugement » ; il s’est fait son propre miel.

 

Autre rencontre, celle que l’élève va faire avec le résultat de son travail, quand il soulève délicatement la feuille pour découvrir sa gravure. Ça peut ne marcher pas à tous les coups, il peut être surpris, se croire trop loin du résultat attendu, mais il l’a fait, il le montre, les autres veulent voir, il y a des commentaires, l’élève-graveur est alors capable d’interpréter son travail, de justifier ses parti-pris, de donner du sens à sa gravure, d’expliquer même un point technique ; il fera des photos, des selfies avec sa gravure et tout cela va circuler. Et comme il va repartir avec sa matrice et ses estampes, il va les montrer quand il sera rentré chez lui : il parlera de son projet, du résultat dont il est souvent à juste titre fier, il expliquera comment il a fait, brusquement pointu sur la technique de la taille d’épargne, ce qu’il aurait voulu obtenir, mais pas toujours possible pour telle ou telle raison ; il va décrire le lieu, l’atmosphère, l’ambiance plutôt festive, les différentes gouges et comment il s’est mis plein d’encre sur les doigts, relater une anecdote. URDLA permet ce genre de miracles et la constitution d’instants précieux, mémorables et (peut-être) fondateurs.

 

Tout ça pour dire aussi que depuis cette date, je n’ai pas revu les élèves, on n’a pas reparlé de cet atelier ; les priorités du moment, confinement, difficultés à organiser des cours, incertitude sur l’évaluation finale des élèves (c’est une classe de 1ère générale), ont fait que cet atelier n’a pas, actuellement, de résonances ni d’échos. Évidence à dire cela, mais le confinement casse une dynamique et laisse les choses en plan, fragiles et difficilement retrouvables comme tel, cela veut dire que cette énergie-là, présente le vendredi 13 mars 2020, après-midi noyée de soleil, dernier jour d’école avant une date qu’on ne connaît pas, s’est estompée, diluée et que c’est désormais le temps de la fadeur avec l’amertume de l’inachèvement et le sale goût de la fête annulée, comme si brusquement, on se retrouvait à la fin d’un automne morne, sans avoir eu les lumières de l’été.

 

Reste la nostalgie de ces instants, il y a en aura d’autres, URDLA est une maison ouverte et propice aux rencontres. Et une maison dont on doit prendre soin. D’où cet extrait d’un texte, magnifique, de Francis Ponge, Nioque de l’Avant-Printemps (Gallimard, 1983) : « Comme à chaque instant la pluie, les intempéries font s’abîmer, dégradent les maisons rustiques, il faut redresser (réparer) cela sous peine d’écroulement prochain. Voilà qui est bon. Bon signe. Cette lutte, ces intempéries élémentaires. La pluie, ça dégrade, ça fait s’écrouler les murs, ça pourrit les bois mais ça lave, c’est salubre. Lutter avec ça, c’est bon. Il y faut une réinventation constante ; du solide, du bien, du rudement constitué. »

15 avril 2020

La Courte Échelle
Bulletin URDLA par gros temps

Franck Belpois

La Courte Échelle
Bulletin URDLA par gros temps

Pendant la durée du confinement, 2020.

Une règle, empruntée à Barthes : « Le texte que vous écrivez doit me donner la preuve qu’il me désire. Cette preuve existe : c’est l’écriture. L’écriture est ceci : la science des jouissances du langage, son Kamasutra (de cette science, il n’y a qu’un traité : l’écriture-même). » Les plasticiens savent que leur pratique est aussi celle de l’écriture.

Ainsi se dessine la Société des gens URDLA.

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