Trois nouvelles linogravures de Jérémy Liron, Pinède 1, 2 et 3 paraissent au catalogue URDLA. À découvrir dans la vente de Noël en cours jusqu’au 24 décembre inclus.
La présence de la végétation, des arbres et particulièrement des pins, leur statut, tout comme celle et celui de l’architecture varient depuis qu’en 2004 j’ai initié un travail sur, autour ou à partir du paysage.
Mais force est de constater que des pins, (pins d’Alep, pins maritimes, pins parasol…) on en trouve dès les premières années, soit comme élément structurant de la composition, en dialogue avec la géométrie et les aplats d’une forme construite, élément de la palette, soit comme figure principale — objet sculptural, équivalant des immeubles et des villas — de l’attention, de l’épanchement dont le tableau est un témoignage.
Cela vient d’une fascination ancienne que j’ai pour leur silhouette, leur port, leur manière de recevoir la lumière, la texture de leur écorce et leur présence familière dans les paysages de l’enfance, sur la côte varoise, les îles d’Hyères, et même dans le jardin de la maison familiale.
Fascination, tendresse, tout à la fois pour leur forme, leurs qualités sculpturales et graphiques, l’imaginaire méditerranéen auquel ils renvoient et les souvenirs auxquels je les associe.
Récemment, à l’occasion d’une exposition à Saint Florent-le-Vieil, un magnifique et monumental pin planté dans la cour de l’abbaye ayant retenu mon attention jusqu’à devenir le motif de plusieurs toiles réalisées pour le projet, j’ai multiplié les plans rapprochés, les portraits de troncs. Et c’est dans les reliefs de l’écorce, dans leurs torsions, dans les nuances mauves, rouges, ocre, étain ou noir charbonneux que j’ai retrouvé une forme de paysage viscéral, organique, voisin de ces fonds de palette maculés et crouteux qui hésitent entre l’abstraction et la montée d’une apparence.
Dans ces toiles de pins et de pinèdes qui m’occupent presque exclusivement depuis deux ans au moins, on pourra voir des représentations d’une forme d’Eden, de paradis perdu, l’attrait pour certains paysages, pour une saison, une forme de remémoration, une rêverie mélancolique, quelque chose d’un autoportrait. La recherche topographique ou d’un moment, un état d’âme. Un face à face avec des expressions dont la grâce, l’élégance sont toutes physiques, pour ne pas dire corporelles, silencieuses. Des rencontres avec des présences. D’autres choses peut-être encore qui y seront sans que j’ai su ici les nommer.
Jérémy Liron
Jérémy Liron a habitué les regards à une forme de clarté, d’évidence figurative a priori. Plusieurs fois cependant des images se sont troublées. De gris et de noir, Inquiètes. De noir et de vert — archiver ce que le désastre dévaste. Puis cette sorte de vernis dans la série qui a donné lieu au livre avec Sereine Berlottier, ce jaune, qui n’est pas solaire, du noir, encore. Une patine par anticipation. Cristallisation.
Voilà qu’il crée ce que l’œil du photographe ne pourra saisir. Le noir épouse le bleu violacé, profond, de la nuit. Les pinèdes tant étudiées, déclinées par le prisme de la palette deviennent ombres chinoises. Architectures ? Voilà qu’est murmuré : « je suis décor, je suis premier plan, je suis insaisissable, je persisterai, si le temps m’en est donné. » La bichromie induit profondeur de l’abîme, convoque attention possible à la lumière. Pinède 1, Pinède 2, Pinède 3. Trois contes ? Ou un seul, se déployant en triptyque. Aveux nocturnes. Il ne fait pas toujours jour et qui pourrait garantir que chaque matin il revienne ? Cosmos et éléments se confondent, happent. Danse nécessaire du regard et du corps, entre les troncs linogravés, de Jérémy Liron.
Blandine Devers
URDLA
Crédits photo. : Cécile Cayon