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L’axolotl est un animal. L’axolotl est un humain., Léa Bismuth

Notes sur Alain Tanner et Julio Cortázar
Vers la mi-avril 2020 – Quelque part

AXOLOTL :
Larve d’un reptile, larve de salamandre, originaire du Mexique.
Son nom est aztèque, son visage l’est aussi.
Animal néoténique, capable de se reproduire tout en restant juvénile.
L’axolotl ne se métamorphosera jamais en adulte.
L’axolotl est capable de régénérer ses organes endommagés par ses propres moyens.
L’axolotl est un animal révolutionnaire enfermé dans un aquarium.

 

Je découvre l’axolotl. Il est le personnage d’un film d’Alain Tanner. C’est un homme, dans une chambre d’hôtel, à Lisbonne. Un homme qui filme le monde à travers sa petite caméra. Un homme qui cherche à définir sa propre liberté. L’axolotl est enfermé dans un aquarium, il est incapable de communiquer, mais néanmoins il a des yeux pour voir. Alors, il regarde de ses petits yeux le monde à travers la paroi vitrée. Il regarde et il voit. Il nous regarde le regardant.

J’ai découvert l’axolotl sous la plume de Julio Cortázar. Le narrateur va tous les jours regarder le peuple d’axolotls dans l’aquarium du Jardin des Plantes. Il ne peut plus s’en passer. Il en devient obsédé. Les axolotls, sa raison de vivre, ou plutôt son seul contact avec le vivant. Le peuple de créatures incarne désormais sa famille, ses amis, ses compagnons d’immobilité. La nouvelle de Cortázar est tendue, presque comme une confession ou un récit de rêve. Elle raconte une trajectoire, une rencontre, une métamorphose paradoxale. Une reconnaissance a lieu : « quelque chose me liait à eux, quelque chose d’infiniment lointain et oublié ». Le narrateur se redécouvre en l’animal, en sa propre préhistoire, dans le visage de ces multiples doubles, de ces foetus stagnants derrière les vitres de verre.

Dans le film Dans la ville blanche, le personnage de l’homme à la caméra est comparé à un axolotl, pour sa capacité à « abolir l’espace et le temps par une immobilité pleine d’indifférence ». Cet homme écrit des lettres à une amante lointaine. Il voudrait des vacances sans fonction, un temps sans attache. Simplement, être là. Simplement être. Simplement. À la différence de l’animal dans l’aquarium, lui, il peut sortir dans la rue, il a conservé sa liberté de mouvement. Alors, il sort. Et, alors, inévitablement, en sortant, il marche, il entre dans un bar, il boit, il danse, il tombe amoureux. Il n’a pas pu rester dans sa chambre-aquarium. Durant toute la durée du film, il cherchera la mer, la mer qu’il a quittée en quittant son navire. Il a besoin de l’eau, de cet aquarium fait pour les humains, de cette usine qui flotte, de son navire qui rend fou. Car, il est à la fois humain et axolotl, c’est sa qualité étrange, le doute qui le mine, la cause de sa détresse.

Lorsque je regardais le film de Tanner face à l’écran plasma de mon ordinateur, j’avais l’impression d’être face à un aquarium, précisément celui de Cortázar au Jardin des Plantes. Je regardais la paroi lumineuse et ne pouvais détacher les yeux de la silhouette de l’homme. Cet homme, on peut aussi le décrire comme celui qui ne veut rien, abolissant l’espace et le temps par son immobilité pleine d’indifférence. Il est sans vouloir, sans perspective, sans avenir, même s’il a gardé un peu de son passé. Il flotte, là, devant moi, et me regarde.

Le sourire de l’axolotl me parle d’une vie différente, d’une autre façon de sourire. Je regarde un aquarium, et je suis dans un aquarium, mais moi, qui me regarde ?

Être à la fois humain et axolotl, telle est la question qui travaille ces deux oeuvres. Tantôt capable de mouvement, tantôt incapable de parole. Ou bien… Ou bien. La vitesse ou l’immobilité. La décision ou l’oubli. L’étendue de la mer ou l’étroitesse du cube de verre. Peut-on persévérer dans son être en restant immobile ?

Le narrateur de Cortázar, devenu axolotl, se met à rêver que l’homme derrière la paroi vitrée inventera un conte à son propos : « cela me console de penser qu’il va peut-être écrire quelque chose sur nous ». Je crois qu’il a raison qu’il n’y a qu’une seule consolation : regarder de si près l’axolotl que l’on devint axolotl, puis, une fois devenu axolotl, attendre, attendre d’être regardé comme un axolotl par un autre, qui le deviendra à son tour. C’est certainement de cette manière que les vrais désirs, ou les oeuvres authentiques, se transmettent. Depuis l’axolotl produire un texte, écrire pour dire l’axolotl, écrire à la place de l’axolotl afin de restituer le royaume oublié des petites créatures aux branchies légères et roses. Rester double, à la fois axolotl et humain.

Comment l’axolotl pourrait-il se mettre à parler ? Imaginons-le prendre la parole. Il dirait un peuple enfoui, un temps qui n’est pas celui des adultes, une puissance larvaire qui n’aurait rien à prouver, sans ambition ni pourquoi. L’axolotl accepte son incomplétude. C’est depuis son corps esquissé qu’il parle, et qu’il invente sa langue neuve.

15 avril 2020

La Courte Échelle
Bulletin URDLA par gros temps

Léa Bismuth

La Courte Échelle
Bulletin URDLA par gros temps

Pendant la durée du confinement, 2020.

Une règle, empruntée à Barthes : « Le texte que vous écrivez doit me donner la preuve qu’il me désire. Cette preuve existe : c’est l’écriture. L’écriture est ceci : la science des jouissances du langage, son Kamasutra (de cette science, il n’y a qu’un traité : l’écriture-même). » Les plasticiens savent que leur pratique est aussi celle de l’écriture.

Ainsi se dessine la Société des gens URDLA.

Lectures sur l’axolotl :
François Bon Variation sur l’homme axolotl;
Giorgio Agamben, Idée de la prose

Images :
Dans la ville blanche, Alain Tanner, 1982©

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