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Jacqueline Salmon : remise de Légion d’honneur

Le mercredi 11 juin 2025, la photographe et plasticienne Jacqueline Salmon a reçu les insignes de Chevalier de l’Ordre de la Légion d’honneur, en reconnaissance de l’ensemble de son parcours, des mains de Fabienne Buccio, Préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes à URDLA

Éloge de Jacqueline Salmon par Fabienne Buccio, Préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, prononcé lors de la cérémonie de remise le mercredi 11 juin 2025 : 

Monsieur le Directeur régional aux affaires culturelles,
Madame la Présidente de la section départementale de la Société des membres de la Légion d’honneur,
Madame la Présidente de l’URDLA,
Mesdames et Messieurs les représentants du secteur culturel,
Je salue les membres de la famille de Jacqueline Salmon ainsi que tous ses amis,
Mesdames et Messieurs,

Chère Jacqueline [Salmon],

La République vous distingue aujourd’hui en vous remettant les insignes de Chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Elle reconnaît, à travers ce geste, bien plus qu’un parcours artistique exceptionnel. Elle honore une œuvre, mais aussi une manière d’être au monde. Elle distingue un regard, une rigueur, une exigence — et une fidélité à des lieux, à une région, à un engagement sincère et discret.

Vous avez choisi que cette cérémonie se tienne ici, à Villeurbanne, dans cet endroit hybride que vous connaissez si bien, l’URDLA. Une « Utopie Raisonnée pour les Droits de la Liberté en Art », devenue centre international estampe et livre ! Ce lieu, vous ne l’avez pas seulement traversé, vous l’avez habité. Il a compté dans votre parcours, dans votre formation, dans vos amitiés. Il a été pour vous un atelier, un chantier, un miroir. Il fallait que cette cérémonie se tienne ici — pour honorer un lien, pour donner sens à un moment. Ce choix dit tout. Il parle d’ancrage, de mémoire, de relations. Il rend ce moment d’autant plus précieux. Il dit aussi que cette distinction a pour vous une portée singulière. Alors ce soir, c’est avec une émotion particulière que je prends la parole, devant vos proches, vos amis, devant des artistes, des personnalités du monde culturel, ceux qui ont marché à vos côtés, et qui connaissent la portée de ce que vous avez accompli.

Avant de revenir sur votre œuvre, permettez-moi d’évoquer le sens de la distinction que vous recevez.La Légion d’honneur est la plus haute distinction française. Elle a été créée en 1802 par Napoléon Bonaparte, pour récompenser les mérites éminents rendus à la Nation. Elle distingue les civils comme les militaires, les anonymes comme les plus illustres, les grandes figures publiques comme les bâtisseurs discrets. Être fait Chevalier de la Légion d’honneur, c’est entrer dans une histoire. C’est porter en soi une forme d’exemplarité — non pas une perfection, mais une constance. Une manière d’agir, de créer, de transmettre, qui élève les autres, qui éclaire un peu le monde. C’est ce que la République reconnaît aujourd’hui dans votre parcours.

Jacqueline Salmon,

Vous êtes née à Lyon, à l’Hôtel-Dieu, et vous avez souvent dit que tout s’est forgé là: dans ce lieu d’architecture et de soin, entre la beauté et la fragilité, entre la rigueur de Soufflot et la compassion d’un hôpital. Ce croisement initial vous a façonnée. Avant la photographie, il y eut la danse, l’architecture intérieure, les arts décoratifs, l’histoire contemporaine, le théâtre, la botanique. Et la vie, tout simplement. Une vie attentive, sensible, portée par la curiosité. Un accident grave d’équitation, en 1973, vous oblige à tout réinventer. Survivante, mais incapable de reprendre votre vie d’avant, il vous faut tout recommencer. C’est dans cette fragilité, qui sera aussi votre renaissance, que la photographie entre dans votre vie. Par une invitation, presque par défi : vos amis danseurs vous demandent d’essayer. Puis un stage avec Robert Luc, figure de la Croix-Rousse. Puis un projet, un autre. Et bientôt, une vocation.

En 1981, vous décidez de vous y consacrer entièrement. Non comme technicienne de l’image, même si vous apportez une grande attention à la technique, mais comme exploratrice du réel. Vous ne capturez pas : vous dialoguez. Vous ne saisissez pas : vous exposez. D’après vous, photographier, ce n’est pas représenter, c’est penser. C’est construire. Et aussi, pour vous, vous reconstruire. Depuis plus de quarante ans, votre œuvre n’a cessé d’explorer les marges du visible.

Elle commence véritablement en 1983, avec un travail de fond : la photographie du chantier de restauration de la Cathédrale Saint-Jean à Lyon. Vous documentez les étapes de ce chantier comme on observe une convalescence : lentement, patiemment, en vous laissant instruire par ce qui change. Vous montrez l’architecture dans son intimité, ses entrailles, ses échafaudages, comme autant de métaphores d’un être en devenir. Ce rapport entre l’image et la transformation du lieu sera un fil rouge dans toute votre œuvre.

Quelques années plus tard, en 1989, vous réalisez « Traboule Blues », à l’occasion du 8 décembre. Vous inaugurez ainsi, par ce travail, ce qui deviendra la Fête des Lumières que nous connaissons aujourd’hui. C’est une autre étape décisive : vous commencez à explorer la relation entre les corps et les architectures, entre les visages et les murs, entre les hommes et l’âme d’une ville. Vous entrelacez le portrait et le bâti, dans une composition poétique et politique. Ces images racontent Lyon, bien sûr, mais elles racontent aussi la manière dont les vies s’inscrivent dans la pierre.

Raconter l’histoire d’une ville à travers celles et ceux qui la vivent, la font vivre, la façonnent au quotidien : vous avez sans doute parachevé ce projet, il y a dix ans, à Toulon, en présentant « 42,84 km2 sous le ciel », exposition de portraits intimes d’habitantes et habitants ordinaires de ce port varois. Vous vous passionnez aussi pour des sujets plus impalpables : le vent, ses formes invisibles, ses effets sur les paysages. Vous photographiez l’invisible, le fugitif, le souffle. Vous devenez témoin de ce qui passe, de ce qui travaille le monde sans se montrer.

À travers ces projets et bien d’autres — dans les prisons de la Santé et de Clairvaux, dans le camp de Sangatte, dans des hôpitaux, des couvents et des friches industrielles — vous déployez une même obsession : comprendre comment les lieux vivent, comment ils évoluent, comment ils gardent trace. Vous observez les bâtiments comme on observe des corps : leurs failles, leurs strates, leur respiration propre. Votre travail documente, mais ne se limite jamais à l’archive. Il regarde autrement. Il interroge. Il cherche le silence, le retrait, le détail oublié. Et il rend cela visible, non pour faire spectacle, mais pour transmettre une mémoire sensible. Cet ancrage dans les lieux, dans leur évolution, vous a aussi conduite à accompagner des mutations emblématiques. Je pense notamment à votre travail lors de l’emménagement de la Direction régionale des affaires culturelles dans les murs du Grenier d’Abondance, à Lyon.

Vous avez suivi, photographié, interprété ce passage d’un lieu patrimonial vers une nouvelle fonction. Ce geste photographique était aussi un geste de mémoire et de mise en perspective, fidèle à votre manière d’accompagner les lieux dans leurs transformations, en révélant leur histoire profonde. Parmi vos œuvres majeures, il faut également évoquer votre travail sur les périzoniums – ces voiles que le Christ porte autour des reins, dans les représentations de la crucifixion. Ce travail, profondément spirituel et intellectuel, interroge ce que vous appelez le « point aveugle » de l’image: ce qui est voilé, ce qui protège, ce qui échappe au regard. Il est aussi une méditation sur la pudeur, la douleur, la représentation du corps. Ce cycle est l’un des plus denses de votre œuvre, à la croisée de l’histoire de l’art, de la religion, et de la photographie contemporaine.

Ce rapport entre photographie et pensée traverse toute votre œuvre. Vous ne concevez pas l’image sans le mot, ni la forme sans le sens. Vous construisez des dispositifs où la photographie dialogue avec l’écriture, où le visible et le lisible s’épaulent et se prolongent. Vos livres en témoignent : objets exigeants, minutieusement composés, où chaque image s’adosse à un texte, une citation, une réflexion. Le livre, chez vous, est plus qu’un support : c’est un espace, une architecture pensée, où la photographie se donne à lire autant qu’à voir. C’est dans ce cadre que se sont nouées des collaborations marquantes avec des penseurs et écrivains. Jean-Christophe Bailly, Paul Virilio, Georges Didi-Huberman, Jean-Luc Nancy, Hubert Damisch, entre autres, ont croisé votre route.

Avec eux, vous avez ouvert des dialogues entre regard et pensée, entre image et philosophie. Vous ne vous êtes pas contentée d’illustrer une pensée : vous l’avez nourrie, provoquée, parfois déplacée. Vos images sont entrées en conversation avec leurs concepts, leurs intuitions, leurs silences. Ces collaborations, loin d’être périphériques, sont au cœur de votre démarche. Elles disent combien vous considérez la photographie comme une pensée en acte. Et combien votre regard, à travers chaque projet, cherche moins à affirmer qu’à interroger, à ouvrir des espaces de méditation, de lecture, de transmission. Derrière cette œuvre, il y a une vie, une présence, une constance humaine. Il y a l’attention que vous portez aux autres, à vos proches, à ceux qui vous entourent.

Ce soir, ils sont là, et leur présence donne à ce moment une couleur particulière. Il y a votre mari, Jean-Christian Fleury, lui-même journaliste et auteur, avec qui vous partagez, depuis tant d’années, un dialogue intellectuel et affectif riche, fait d’écoute, de complicité, de projets partagés. Il y a vos deux fils, Jean-François et Stéphane, témoins discrets mais attentifs de votre parcours, et présents à chaque étape importante. Et puis il y a vos quatre petits-enfants, dans les yeux desquels vous avez sans doute trouvé, aussi, un nouveau regard sur le monde.

Votre vie personnelle n’a jamais été séparée de votre démarche artistique. Elle l’irrigue. Elle l’enracine. Elle en est peut-être la source la plus intime. Vous avez su mener de front une vie de création et une vie de famille, sans jamais trahir ni l’une ni l’autre.

Jacqueline Salmon, je suis particulièrement honorée de pouvoir vous remettre, dans quelques instants, les insignes de Chevalier de l’Ordre de la Légion d’honneur. À travers vous, cette distinction célèbre bien plus qu’un parcours d’artiste. Elle célèbre une exigence, une attention, une fidélité aux lieux, aux liens, à l’histoire. Elle rappelle que l’art, lorsqu’il se tient au plus près du monde, peut devenir un outil de compréhension, un espace de réparation, une forme de résistance efficace. Merci à vous pour ce que vous portez. Merci pour ce que vous inspirez.

En vous honorant aujourd’hui, la République tend un miroir à chacun d’entre nous. Elle nous rappelle que l’engagement patient, l’intelligence du regard, la rigueur d’un chemin assumé sont aussi les piliers d’une société vivante. Vous n’avez pas seulement photographié des lieux : vous avez éclairé ce qu’ils contiennent de mémoire et de promesse. Vous avez élargi notre perception du réel. Vous avez donné à voir ce que beaucoup ne savaient plus regarder. À celles et ceux qui vous suivent, à celles et ceux qui vous découvriront demain, vous offrez cette certitude précieuse : que la beauté peut être une éthique, et que l’art peut être une manière de vivre pleinement, humblement, intensément.

Vive la photographie qui éclaire ! Vive la culture qui relie !
Vive la République !
Vive la France !

 

Réponse de Jacqueline Salmon, prononcé lors de la cérémonie de remise le mercredi 11 juin 2025 : 

J’ai reçu une lettre datée du 31 janvier 2025 et signée Rachida Daty.

Je l’ai d’abord mal lue, j’ai cru que j’étais une deuxième fois nommée chevalière des arts et des lettres, et  j’ai été saisie d’angoisse, en pensant au ridicule ou à la prétention d’avoir à le dire. 

Si je m’étais à ce point trompée dans ma lecture, je pense que c’est parce qu’il était pour moi inimaginable d’être nommée Chevalière de la Légion d’Honneur.    Inimaginable que je puisse organiser une cérémonie pour la remise de cette médaille. Inimaginable de choisir une personne pour me la remettre, de choisir un lieu, des invités…
Il fallait d’abord que je me reconnaisse dans cette distinction. 

J’ai alors commencé à regarder mon histoire depuis ce moment-là : celui de ma nomination. Une série d’événements qui conjugués les uns avec les autres durant plus de 40 ans, avait fait penser à quelqu’un de certainement très attentif, que Oui, il fallait proposer au Président de la République de me nommer au grade de chevalière de l’ordre national de la légion d’honneur.  Puis j’ai imaginé une cérémonie que je puisse vivre en restant moi-même …

Il fallait que ce soit à Lyon pour mes amis, ma famille, que je reçoive cette médaille des mains d’une femme, il fallait aussi que ce soit dans un atelier, et j’ai tout de suite pensé à URDLA, acronyme merveilleux inventé par Max Schoendorff, alors qu’avec un groupe d’amis ils avaient sauvé le matériel lithographique de l’imprimerie Badier qui était en faillite : Utopie Raisonnée pour les Droits de la Liberté en Art. Puis il a fallu que j’ose solliciter notre Préfète Madame Fabienne Buccio. Je l’avais rencontrée à la DRAC dès son arrivée à Lyon. J’avais  écouté son discours, je l’avais aimé, nous avions échangé à propos de mon livre Le point aveugle.

Je vous remercie Madame de m’avoir répondu  sur le champ, me rassurant aussitôt, puis d’avoir accepté de me remettre les insignes de Chevalière dans cet atelier. Dans cette ancienne usine que la ville de Villeurbanne avait proposée pour que le Centre National des Arts Plastique puisse y déposer en 1983 un cadeau de 15  tonnes et de 7 mètres de long : cette presse Voirin que j’ai photographiée dès son arrivée, avec toutes les autres machines à peine installées. 1983, c’est aussi la date du centenaire de la loi de Prosper Mérimée pour la conservation des monuments historiques, et de ma première commande :  celle de la Mission du Patrimoine Photographique. C’est à ce moment-là  que j’ai compris  que j’étais devenue photographe. 

Alors, je peux dire que cet atelier et moi nous avons grandi en même temps et en restant toujours liés par l’amitié et par les projets. J’y travaillais cette année en février avec Jacob, le lithographe.  
Je te remercie Cyrille d’avoir immédiatement accepté mon idée et même avec enthousiasme. Lorsque Max Schoendorff est mort brutalement le 20 octobre 2012, je vous ai donné ce portrait de Max vu de dos qui est là sur le chevalet. Le 23 octobre  Francis Marmande écrivait un très bel article dans Le monde : « Schoendorff, c’était une bande. Cinéma, littérature, théâtre, opéra, restaurants, amours, curiosités, free jazz, c’était une bande de défricheurs. Très libres. Une bande d’artistes et d’intellectuels autour de la librairie Péju ». Je me suis souvenue de cette époque où dans l’urgence de gagner ma vie, je travaillais à la librairie de Georges Péju. La Proue. J’y étais frottée au milieu intellectuel lyonnais dont Max était La figure centrale et magistrale. C’est probablement là que j’ai commencé à le connaître.

Lorsque je quittais la librairie, je retrouvais mon amoureux, Jean Jacques Romagnoli  passionné de photographie. Son meilleur ami était Robert Luc qui tenait à la Croix Rousse une petite  boutique « Vrais Rêves » où une bande de jeunes photographes parlaient de la photographie autrement. Il y avait là Raymond Viallon, Jacques Damez, Catherine Dérioz qui allaient, plus tard, créer les deux galeries de photographie à Lyon. C’est là que j’ai été initiée. Robert Luc avait avec des amis créé le CLAP : Collectif Lyonnais d’Action Photographique, et programmé ma première exposition en 1979. Des photographies de mes amies danseuses et chorégraphes. C’était à Villeurbanne, à la librairie des Malapprises. 

Puis avec Jean Jacques Romagnoli qui lui, écrivait, nous avons en 1981 composé un livre sur le chantier de la primatiale Saint Jean. Gabriel Mortamet, l’architecte en chef de ce chantier qui m’avait donné l’autorisation de circuler sur les échafaudages, a voulu montrer ces photographies à Françoise Bercé qui dirigeait à Paris la Bibliothèque du Patrimoine. C’est grâce à lui que j’ai eu ensuite cette importante commande sur les Monuments Historiques du Sud-Est de la France.  Le couvent de le Corbusier, était dans la liste. Je me suis liée d’amitié avec le supérieur François Biot, et j’ai continué à y travailler pour moi. Ce sont ces photographies réalisées en dehors de toute contrainte, qui ont  été choisies pour la grande exposition du centenaire de le Corbusier au Centre National de la Photographie qui était alors au Palais de Tokyo. Puis l’exposition est venue à Lyon à la Fondation Nationale de la Photographie et à la Saline d’Arc et Senans. 

Deux jeunes architectes Chapuis et Royer m’ont alors sollicitée pour le 1% à l’architecture d’une Bibliothèque qui allait se construire à Die sur l’emplacement d’un ancien garage Peugeot. Il y avait très peu d’argent, mais apprenant la mort de Tarkovski sur la radio d’un ouvrier du chantier, j’ai décidé de faire une série inspirée de Stalker, qui se conçoive comme un film, et j’ai rendu à la DRAC trois ans après une série de 100 photographies Notes de chantier en hommage à Tarkovski.

C’est une belle histoire, car lorsque je l’ai présentée aux services concernés de la DRAC, ils ont aussitôt appelé le directeur René Gachet. Ils étaient enthousiasmés… jaloux en fait !
Ils m’ont demandé d’imaginer pour leurs locaux à venir une œuvre comparable. Les services étaient alors mal logés dans des algécos.  La ville de Lyon venait de mettre à disposition de l’État, le Grenier d’abondance. Construit par De Cotte au XVIIIe pour conserver le blé, et mettre la ville à l’abris de la famine, il avait perdu son usage à la Révolution, et avait été transformé en gendarmerie. Le nom du bâtiment tout comme son destin me faisaient rêver. On m’a donné les clés. Le chantier a été dantesque. Il a duré trois ans. On n’a jamais parlé d’argent. J’y ai eu souvent très peur. Patrice Beghain succédant à René Gachet et tout aussi enthousiaste y a ajouté sa patte. Il a eu cette idée superbe :  ajouter aux fonctions des divers bureaux auxquels je dédiais une image, les qualités que l’on attend d’un ministère de la culture. La curiosité par exemple.

J’ai eu la chance qu’il n’y ait pas suffisamment d’argent pour qu’une commande de 1% puisse être proposée à une figure de l’art contemporain. Nous avons fait un très beau livre, préfacé par Jacques Lang. Les metteurs en scène, musiciens, peintres  écrivains soutenus par les services de la DRAC étaient invités à choisir une photographie un beau tirage baryté comme support d’un texte. Je trouvais l’idée très risquée, mais en choisissant le graphiste Ruedi Bauer lui-même invité à écrire, j’étais sauvée. Il a eu l’idée d’ajuster en miroir aux photographies l’empâtement des textes gommant ainsi les différences de longueur et d’intérêt. Je vous remercie monsieur le directeur Marc Drouet d’être présent aujourd’hui, et d’avoir donné une seconde vie à cette série qui date de 1993 en l’exposant de manière pérenne au 2e étage de la DRAC. 

Contemporaine de URDLA, L’Ollave, première galerie d’art contemporain à Lyon était dirigée par Jean de Breyne, j’y étais entrée avec mon Hommage à Tarkovski, mais aussi avec ma série 8 rue Juiverie sur l’Hôtel Philibert de l’Orme. Sorte de biographie déguisée en histoire de l’architecture, sur laquelle Jean Louis Schefer avait écrit tout un livre. Dans la galerie se succédaient des expositions atypiques. Valère Novarina avait réalisé une performance de 24 heures d’écriture, Jean-Claude Guillaumon exposait ses autoportraits photographiques en expliquant que c’était de la peinture. Jan Berdyszak construisait des installations de poutres, de vitres, et de pain. Jan était un grand artiste présent dans tous les musées polonais. L’URDLA se mettait à sa disposition afin qu’il puisse réaliser des estampes en France, et obtenir des devises lui permettant d’acheter du papier, et de les rapporter à l’école des Beaux-Arts de Poznan, dont il était le directeur.

Les écoles de  Varsovie de Cracovie et de Lodz avaient en synergie le projet d’organiser des Rencontres Est-Ouest de la photographie. Beaucoup de conservateurs, de galeristes, étaient intéressés par les photographes de l’Est, qui eux, étaient avides de savoir ce qui se passait à l’ouest.

Jan  voulait inviter des figures du milieu photographique français mais les polonais  sans devises étaient dans l’incapacité de payer le voyage. Nous n’avons trouvé personne ayant la tête suffisamment tourné à l’Est. Jean de Breyne lui avait la tête et le cœur tourné vers l’Est. Nous avions honte. Il  m’a convaincue de partir. J’ai eu peur d’être incapable, mais je me suis lancée, et cette décision a complètement changé ma vie. J’ai résolument oublié mon travail personnel pour participer à ces Rencontres formidables. J’ai découvert des photographes, écouté les conférences de conservateurs de Berlin, d’Essen, de Graz, de Salzburg de Prague et aussi du merveilleux conservateur du Victoria and Albert Museum aux gestes étriqués et poétiques. Je suis devenue la personne de référence pour la France, sollicitée par le Ministère la Culture à Wien pour travailler à concevoir une grande exposition de photographie autrichienne à Paris. Quelques années plus tard, avec un lourd dossier, j’ai pu convaincre Robert Delpire au Centre National de la Photographie. Dès la chute du mur de Berlin, Brigitte Hédel-Sanson qui était alors directrice du Fonds National d’Art Contemporain m’a demandé d’organiser une exposition d’artistes français en Pologne. J’ai pu montrer à Wroclaw, Christian  Boltanski, Annette Messager, Felice Varini, Georges Rousse, Alain Fleischer, Pascal Kern et Patrick Tosani.   

Jacques Fabry et Patrice Charavel connaissaient mes photographies. Je ne sais comment ils ont su que je pouvais aussi être commissaire d’exposition, mais  ils nous ont entrainés Jean Christian Fleury et moi dans l’aventure d’un festival Carjat à Fareins dont on prépare la prochaine édition en mai prochain.
Je vous remercie d’être là Jacques et  Patrice. Trois des meilleurs élèves de Christophe Henri à l’université Lyon 2 sont devenus nos sympathiques médiateurs. Je remercie Laurent Baridon Professeur d’histoire de l’art, Chercheur spécialiste et de la caricature et de la satire visuelle qui nous a offert un texte passionnant pour notre premier catalogue.

Merci Marie-Claude Schoendorff si précieuse parmi mes amis, merci Odile petite sœur de Max et grande dame de l’édition d’être là avec l’Ouroboros auquel vous m’avez plusieurs fois proposé de collaborer. Cette très belle revue qui perpétue la mémoire de Max Schoendorff et de son œuvre.

Je vous remercie  Madame la présidente Christine Vaisse, et toute l’équipe de URDLA, Blandine, Anne, Emma, Marceau, Jacob, Romain d’avoir eu l’idée de montrer les photographies des machines, et toutes les estampes que j’ai réalisées dans ce lieu. Merci de nous avoir si bien accueillis. Depuis le premier jour et jusqu’à aujourd’hui, même avec son nom actuel « Union Régionale pour le Développement de la Lithographie d’Art » URDLA   continue à permettre de réaliser des rêves.

J’aurais voulu remercier d’être là Christine Bergé, ethnologue et philosophe que j’ai connue en 1989 dans le séminaire d’anthropologie de François Laplantine à Lyon 2. Nous avions ensemble participé à ses recherches sur le spiritisme, et étudié ce sujet pour le CNRS. Puis j’ai continué seule à suivre le séminaire de François Laplantine sur le sacré ou j’avais proposé une conférence difficile à écouter sur les artistes contemporains Herman Nitsch, Arnulf Rainer et Gina Pane. Seuls les ethnologues brésiliens avaient applaudi ! Avec Christine Bergé, nous avons depuis publié plusieurs livres tous s’approchant plus ou moins près de la mort qui est au centre de ses recherches ; l’une de nous deux entraînant l’autre dans son nouveau sujet.  Elle m’a téléphoné ce matin, triste de  ne  pas pouvoir être là, interdite de ville de Lyon pour cause de voiture trop ancienne. 

Merci Nathalie Perrin-Gilbert, vous avez soutenu mon travail avec une acquisition de la ville de Lyon au moment de mon exposition rétrospective à la Bibliothèque de la Part-Dieu, dans cette époque difficile où avec la crise du Covid, ma situation financière était difficile. 

Cher Eric Dupont vous êtes mon directeur de Galerie, venu de Paris pour me soutenir, c’est énorme, ça me touche et ça me donne de l’énergie. Je vous  remercie avec Alvie qui vous accompagne, et je vous remercie aussi Monsieur Jean-Michel Bossard qui allez m’accueillir au printemps prochain pour une grande exposition à la Fondation Renaud. Sur le conseil de Stéphanie Rojas-Perrin, chargée des collections, Jérémy Liron, dont j’aimais beaucoup la peinture, mais dont je découvre l’écriture qui m’impressionne par son érudition, écrira le texte du catalogue. Merci Jérémy d’être là.

Je remercie mes amis, émue de leur présence, Denise et Michel Meynet, Ennemond Mazuyer, Pierre Chapeaux, Elisabeth et Yves Peyré avec qui je suis en train de faire un livre sur Venise. Tous de grands collectionneurs. 

Je remercie ma famille, réunie écoutant sagement ce discours, mes enfants et mes petits enfants, dont la présence me fait chaud au cœur. Merci à Jean-Christian Fleury mon mari qui est toujours près de moi et qui accepte la vie mouvementée dans laquelle je l’entraîne.

Mercredi 11 juin 2025

URDLA

Jacqueline Salmon
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