Fin 2019, l’OMS – Organisation Mondiale de la Santé – a publié une étude sur les liens entre art et santé appelant à « la promotion de programmes « d’art pour la santé » accessibles à tous, à l’inclusion des arts dans la formation des professionnels de santé et à l’introduction et au renforcement des programmes artistiques dans les établissements de santé ou d’aide sociale ». Depuis nombre d’années, le programme Culture et Santé, issu d’une convention entre les ministères de la Culture et de la Santé, permet en France une présence et des dispositifs artistiques à l’hôpital.
L’on assiste à une mode croissante du développement personnel et des injonctions à s’en soucier. Il est une pratique nommée « art-thérapie » qui en relève, fleurissent les invitations à, les idées d’activités en la matière, la possibilité de s’en remettre à des professionnels libéraux, dans une optique d’épanouissement, que l’on exige parfois rapide, comme l’on peut l’attendre des TCC, thérapies comportementales et cognitives. Cet article a pour objet de décrire l’art-thérapie comme pratique de soin, plaçant la rencontre avec l’artiste au cœur du processus. En cela, ce type de médiation rejoint les exigences posées en la matière par URDLA. Et l’on pourrait parler d’ateliers à médiation plus largement que d’art-thérapie.
Définition de l’art-thérapie
Jean-Pierre Klein, psychiatre et fondateur de l’Institut national d’expression, de création, d’art et de thérapie, définit l’art-thérapie comme un « accompagnement thérapeutique de personnes mises en position de création de telle sorte que leur parcours d’œuvre en œuvre fasse processus de transformation d’elles-mêmes ». Autrement dit encore, par Adeline Voisin, psychologue, « il s’agira d’utiliser un média, la pratique artistique – plastique, corporelle, … – pour faire aboutir un processus thérapeutique, de transformation de son intériorité ». L’idée est de permettre au sujet de se décaler de son symptôme et de son parcours, de sa subjectivité pour y revenir, mieux.
L’art-thérapeute peut être un artiste ou un professionnel de la relation d’aide (psychologue, infirmier, psychomotricien, ergothérapeute…). Il existe des formations diplômantes en France. L’expertise artistique du pratiquant sera déterminante.
Bref historique de l’art-thérapie
D’un point de vue théorique, l’on renverra bien évidemment à Freud et à son enseignement de la symbolisation, à Winnicott et « l’objet transitionnel » … Les origines de l’art thérapie sont anglo saxonnes. En France, malgré une pratique bien antérieure, il faut attendre 1986 pour que le concept soit reconnu par la communauté scientifique.
Ce que l’art thérapie n’est pas
Nous citerons Jean-Pierre Klein qui précise dans L’art-thérapie, Que sais-je ?, aux éditions PUF, ce que n’est pas l’art thérapie :
« 1 / La psychothérapie avec support artistique qui continue d’être en /je/ mais avec d’autres langages que le langage verbal : autoportrait, récit de soi, représentation théâtrale de sa propre peur, modulation de sa plainte en chant, le tout ensuite verbalisé et analysé ;
2 / un test diagnostique ou sémiologique en termes psychiatrique ou psychanalytique ;
3 / une simple sensibilisation à l’art qui consiste en une découverte de la matière qui ne serait pas un travail indirect projectif sur soi incité par des déclencheurs d’implication personnelle ;
4 / une activité de loisir, et de distraction. »
Processus de l’art-thérapie
Si la prise en charge peut être individuelle, notamment dans des cabinets libéraux, certains professionnels privilégient une prise en charge groupale, qui permet une autre régulation et de renforcer la « sensation d’être » en laissant une trace de soi au sein d’un collectif. L’art-thérapie se travaille le plus souvent avec une équipe pluridisciplinaire, en élaborant un protocole thérapeutique adapté à chaque patient. On pourrait la définir comme étant complémentaire d’autres dispositifs et en particulier d’un travail analytique « classique », intégrant les éléments de la clinique traditionnelle.
Une séance type comprendra bien souvent un temps d’accueil, un temps d’explication, un temps de production et un temps d’échange autour des productions. Il s’agira pour le professionnel de mettre en place un espace-temps qui rende possible l’émergence des processus créatifs des patients. On exclura les idées d’évaluation ou d’interprétation et, d’une certaine façon, le processus et ce qui pourra en être dit importent plus que le résultat final. De nombreuses séances sont souvent nécessaires pour détricoter clichés, résistances, représentations régressives, scepticisme. Marion Semple, artiste intervenant en milieu clinique, estime que le processus est soignant notamment parce qu’il permet de travailler des dimensions qui pourrait l’être dans d’autres cadres, qui ne relèvent pas de la santé : « la création vient taper dans les angles morts du langage ». Mais elle ne se passe pas de paroles.
Une expérience d’art-thérapie à URDLA
La médiation et l’art-thérapie se rejoignent dans l’idée que la présence d’un tiers peut favoriser un cheminement.
Les dispositifs de médiation proposés par URDLA, qui placent la rencontre avec les artistes et la pratique artistique au cœur de sa mission, peuvent s’inscrire dans le cadre d’un parcours d’art thérapie. Ainsi, l’association a accompagné en 2017 un groupe de patientes en hôpital de jour de la MGEN Santé Mentale, pris en charge par une artiste et une infirmière. Michel Dauvergne fut l’artiste associé au projet. Après une visite de URDLA, Michel Dauvergne a travaillé avec les patientes, dans le cadre de leur atelier, à l’hôpital. Puis le groupe a procédé à l’accrochage de leurs œuvres, qui réinventait un jeu de tarot en linogravure, dont chacune était l’auteure d’une carte, à URDLA. Un vernissage eut lieu en présence des professionnels de santé, des familles et des amis des patientes, ainsi que de l’équipe de l’association, suivi d’un temps d’exposition.