C’est alors le chant de la garrigue, des falaises, des matières rocheuses, caillasses, rocailles et cailloux qui dans l’alignement sensible de ses murs écrivent les montagnes, produisent de longs récits sur la nature. Dans l’écorce de ses arbres blessés, puissants ou tortueux, s’entremêlent jusqu’à la grimace l’humain et le végétal.
Ces matières gravées parcourent la Provence, disent ses douceurs, ses aridités, racontent plus particulièrement les caractères du Lubéron (carrières de Lacoste, 1978), plus encore rendent accessibles ses intériorités les plus méconnues, les plus anodines en apparence. Comme l’écrit Jean-Jacques Lerrant : « Rien n'est détail puisque tout est détail : la masse flamboyante du ciel, les nervures de la montagne et le visage du caillou. Sur les chantiers de chèvre de l'espace dessiné par Moskovtchenko, l'œil a les libertés du pâtre, du silène, du vagabond » (Le Progrès, 1966).
Dans les années 90 apparaissent une foule de sculptures, un cortège infini de femmes. Elles sont puissantes, vulnérables, abandonnées, quelquefois en action. Elles sont d’ici ou relèvent d’un tout autre trait de l’humain. Elles marchent en foule, toutes intimement soudées à la vibration de la terre. Ainsi, des corps de bronze généreux, boursouflés de fessiers et de ventres charnus offrent leurs chairs glorieuses, alors que des silhouettes plus douloureuses se sont laissé défigurer au gré des lignes de destructuration des métaux, des destins de leur fusion. Il y a encore ces silhouettes malléables de personnages en cires naissant de matières informes, dont l’artiste a su révéler la charge primitive, et qui contrastent avec celles qui s’érigent comme des légendes antiques et s’inscrivent au règne des déesses et vénus.
Ravins érotiques, publié en 2001 (25 gravures, 9 textes, catalogue URDLA, 30 exemplaires) est né de rencontres entre le peintre et les écrivains et poètes : Jean-Paul Clébert, Robert Droguet, Christine Durif-Bruckert, Colette Fizanne, Amadou Hampate Ba, Jean-Jacques Lerrant, Thim et Gabriela Meier-Faust, Catherine de Saint Phalle, Myriam Szejer.
Ce grand livre est une lumière sur cet ensemble de contrastes et de fusion, une sorte de répertoire libidinal mythique des œuvres de Moskovtchenko. Il y inventorie « les vulves buissonnières, comme l’écrit Jean-Jacques Lerrant. Pas un arbre, pas une roche qui ne recèlent une invite démesurée, aride ou moussue, à mettre l’imagination au délire ».
Christine Durif-Bruckert