- Année : 2012
- Documents : Facture et certificat d’authenticité
valeur : 17.– €
Expédition dans la semainecadre non fourni
François Michel
François Jean Paul Michel écrit ainsi ses propres dates : 1931- ?
Devant ce noir point d’interrogation, comment ne pas évoquer sa funèbre et désopilante nouvelle « Ici reposera », (nouvelle éponyme d’un délicieux recueil de trente-sept nouvelles publié aux éditions de l’URDLA, « La source d’Urd », en 2012) ? François Michel, à la suite d’une haletante aventure dans un cimetière, dont nous ne déflorerons pas le suspense, y cite en effet la réponse de Jorge Luis Borges à un journaliste qui le harcelait : « Vous me demandez des détails sur ma biographie, mais que pourrais-je vous dire, je ne sais même pas la date de ma mort. »
Voici cependant deux ou trois choses que nous savons de la vie de François Michel :
Il est né à Damparis, dans un village proche de Dole, c’est-à-dire « dans un Jura pas très jurassique ».
Il résume à la troisième personne son chatoyant cursus : « Fin des études au collège de Sainte-Marie à Saint-Chamond (comme le président Pinay). Se flatte d’avoir été un enfant de chœur de haut niveau, jusqu’à servir la messe d’un cardinal très habile dans le maniement de l’encensoir.
» Il passe un baccalauréat de philosophie, puis entreprend des études de médecine. » (Parcours parfaitement complémentaire. On remarque combien, à l’époque, tout était différent : meditare et medicare jaillissaient bien de la même source. On n’avait pas encore oublié la formule de Rabelais, jadis fameuse : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »)
« Interne des hôpitaux de Lyon, il débute ensuite une carrière de chercheur en neurosciences auprès du grand neurophysiologiste Michel Jouvet, découvreur du sommeil paradoxal, à ses côtés il devient hypnologue et onirologue. Il étudie le sommeil du rat, du hérisson, des crocodiliens comme le caïman, celui du chat à encéphale dédoublé (split brain).
» Il s’attache à divers sujets de recherche en neuropsychologie : analyse du geste graphique, intérêt cohérent avec son goût pour l’écriture et la peinture, troubles psycho-physiologiques : hémianacousie (surdité d’un hémisphère) ; toutes les formes d’agnosie : prosopagnosie (trouble, inné ou acquis, qui consiste à ne pas reconnaître les visages), et même eautoprosopagnosie (trouble qui consiste à ne pas se reconnaître soi-même) ; achromatopsie centrale (perte de la vision des couleurs à la suite d’une lésion du cerveau occipital) ; surdité corticale par suite d’une lésion du cortex auditif (les oreilles étant intactes).
» Il se penche sur l’écriture en imagerie mentale, la lecture par hémisphère après lésion du corps calleux (qui transfère les informations entre les deux hémisphères), etc. »
Chercheur de haut niveau, il assume les fonctions de directeur de recherche au CNRS.
Sachant en qualité de praticien le rôle moteur de l’imagination dans ces deux domaines, et s’en délectant, François Michel persiste à ne pas séparer le monde de la science du monde de l’art, où il noue dès son arrivée à Lyon des amitiés décisives : Bernard Chardère et les rédacteurs de Positif, les comédiens du Théâtre de la Comédie, que vient de fonder le jeune Roger Planchon ; il désigne aussi comme décisive la rencontre de Max Schoendorff, dont il reste constamment le très proche complice.
François Michel est un Janus bifrons : le neurologue cache, ou plutôt révèle et inspire l’écrivain à la plume élégante et incisive. Outre une quarantaine d’articles scientifiques publiés en 2003 aux éditions Aléas à Lyon (et disponibles sur Internet), François Michel offre au bulletin trimestriel de l’URDLA, ça presse, nombre de chroniques nourries de son talent d’observation quotidienne comme de sa pratique pointue de neurologiste : variations sur le visage, autour d’une maladie évoquée plus haut, la prosopagnosie, dans « Votre visage me revient » (ça presse, n°43, décembre 2009), portraits de personnages hors normes, décalés, borderline, comme « La quêteuse » (ça presse, n° 54, septembre 2012), le personnage d’ « Asperger aspergé », véritable cas clinique, (ça presse, n° 55, décembre 2012), le clochard de « Château Toussieu » (ça presse, n° 59, décembre 2013), et des récits pleins d’originalité, comme « Ne pas peiner la girafe » (ça presse, n°57, juin 2013 ).
L’écriture de ce docteur constitue une médecine contre l’ignorance et l’ennui.
Odile Schoendorff