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ref. 9620
  • Technique : Lithographie
  • Dimensions : 65 x 50 cm
  • Tirages : 40 exemplaires, numérotés et signés
  • Papier : vélin de Rives
  • Année : 1996
  • Documents : Facture et certificat d’authenticité

valeur : 400.– €

Expédition dans la semaine

cadre non fourni

Denis Laget

Si chaque œuvre devait témoigner d’une avant-garde engagée dans le sens d’un progrès, d’une étape en direction d’une résolution supérieure, l’art serait effectivement une pratique bardée d’interdits, le domaine du geste suspendu. Au mieux un terrain de jeu, au pire une impossibilité, une terre brûlée ou épuisée par son exploitation séculaire.

On a théorisé longuement sur ce profil pointu de l’histoire de l’art, ses ruptures successives d’un dépassement à l’autre : il y avait un après le classicisme, le réalisme, un après l’espace unitaire perspectif, un après la figuration, un après le tableau de chevalet, un après le sujet, un après la peinture… et l’art, suivant naturellement la genèse de l’écriture du dessin anecdotique au signe, se serait en toute fin dissous dans le langage, la théorie, l’idée, l’éther. 

Tous les artistes ne sont pas conciliants avec l’histoire.

Denis Laget, né en 1958 à Valence, peintre absolument malgré les discours, confesse à cet endroit pour sa part une « complète absence de scrupules » et, pour tout dire, un détachement singulier. Il avoue d’ailleurs un goût pour les artistes qui « n’appartiennent pas à l’histoire » et se donne pour éthique celle des francs-tireurs, des marginaux. Lui-même échappe au paradigme de l’art contemporain, son mode médiatique, ses codes, son esthétique. C’est, dit-il, qu’il a toujours pensé que « la peinture avait à s’occuper du monstre » − entendons : ce qui manifeste l’écart, la dissonance vis-à-vis de la norme, l’étrange, le composite, ce qui est incorrect. Si l’on s’en remet à la définition antique d’Aristote : « ce qui va à l’encontre de la généralité des cas mais non pas à l'encontre de la nature envisagée dans sa totalité ». 

Ainsi, depuis le milieu des années 80, Laget dessine, peint des crânes, des citrons, des têtes de moutons, des harengs, des germinations, des soleils noirs, des fleurs fanées dans leurs vertiges, des désastres picturaux. Sans spectaculaire, sur de petites toiles, des cartons, dans les tourments saturniens d’une matière épaisse, boueuse ou solaire, dans les parages du plomb, dans les fluides métamorphoses qu’induisent les tâches. Ainsi, sa peinture se joue-t-elle du sujet dans l’obsédant vertige des objets ordinaires de la vanité, la monstruosité (pour y revenir), l’improbable irrégularité qu’ils affirment dans le jeu contemporain. 

Les lithographies qu’il a réalisées à l’URDLA témoignent de trois séries distinctes : fleurs et crânes évoquent les années 89-90 et le séjour à la Villa Médicis ; les tiges plus ou moins mêlées – vies fanées là aussi – et les soleils (ou quelques formes de phosphènes, d’hallucinations, de trous noirs, puisque rien chez Laget n’est clairement établi ou tout à fait univoque), le tout début des années 2000. S’y manifeste, sous le mode de réduction de l’estampe, la même étrangeté, la même affirmation intempestive que celles que l’on peut voir à l’œuvre dans ses toiles matiérées comme chez Fauerbach, Monticelli, Van Gogh, Tal Coat, Eugène Leroy, ou ses encres aux relents hugoliens, à l’hystérie proche des dessins de Redon. À s’affronter longuement à leur magnétisme spécial on y reconnaît ce que Genet percevait des sculptures de Giacometti : l’impression qu’elles « se réfugient, en dernier lieu, dans je ne sais quelle infirmité secrète qui leur accorde solitude ». Une sorte d’impesanteur en parfaite adéquation avec ce que suggère l’acronyme de l’URDLA, avec le lent et raisonné dérèglement sensoriel qu’envisage Rimbaud.

Jérémy Liron

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