Emmanuelle Castellan déclare toujours prendre pour modèle une image qui l’intrigue, puis la transformer en « [la] rendant flottante[s], en [la] fondant sous les couches d’encre et d’eau. Les formes se superposent, finissent par devenir transparentes et par perdre presque tout lien avec le sens de l’image d’origine ».
« La façon dont j'utilise la peinture n'est ni abstraite ni figurative, je mets plutôt l'évocation centrale en apesanteur. Je me concentre sur l'apparition des gestes en périphérie. Je conçois le sujet en dehors des limites physiques du tableau, ce qui mène à une représentation décentrée, à des débordements de la peinture sur les murs, à des coupures et des découpes de la toile qui sont un prolongement de la peinture dans une dimension méditative et mentale.
Je cherche à visualiser l'essentiel de ma perception confondue de la vie, du sens des images, du langage, des gestes et de l'espace de la toile. Je trouve dans la peinture le moyen d'explorer ma propre subjectivité en temps qu'auteure et actrice des interprétations que je fais.
Mes peintures partent d'images concrètes, ce sont souvent des illustrations comme celles de Wilhelm Busch ou plus récemment de la revue Simplicissimus, dans lesquelles je découvre un élément qui bouscule la composition, une perspective inattendue qui me permet de déconstruire l'image et de l'évoquer d'une autre façon. Dans le fond, ces images évoquent l'atelier, le corps et la main, elles ouvrent une histoire que je relie à mon présent.
Une fois la peinture terminée, il ne reste souvent que des bribes. Le travail que j'effectue est très proche d'une chorégraphie, il détermine des gestes « anti-héroïques », décentrés, qui cependant composent la toile et y donnent un rythme. Des esquisses préalables aident à définir le degré d'enfouissement, de distillation du narratif originaire. Dans ce procédé, j'explore la dualité entre l'effacement et l'émergence, entre ce qui se perd et ce qui se gagne. Il en résulte une peinture chargée de vide, d'indétermination, qui présente le sujet dans toute la complexité de son moment de réception et d'interprétation. » (Emmanuelle Castellan, décembre 2015)