Outre son œuvre poétique, désormais réunie aux Éditions La rumeur libre, elle a publié des récits, des traductions, des livres d’artistes et participé à plusieurs anthologies. Ses études d’espagnol l’ont amenée à s’intéresser aux temps barbares où les hétérodoxies religieuses : cathares, soufis, kabbalistes, fécondaient la connaissance, lui donnant la matière à un roman : Marie de Montpellier. Son premier livre, La Nuit introuvable, a obtenu le prix René Blieck en 1963, elle a reçu en 1973 le prix Jean Cocteau pour La Femme buisson, le prix Louise Labé en 1999 pour Terra Nostra et le prix Mallarmé en 2011 pour Travaux de lumière.
Depuis ses premiers recueils sa poésie se fait plus dépouillée et l’image plus concise. Elle revendique « une spiritualité sensuelle et polymorphe qui n’a rien d’orthodoxe et n’est d’aucune confession ». Pourtant, la célébration de la beauté n’est en rien chez elle une fuite hors de la réalité : « Que serait-on sans beauté ? Je revendique ce mot, y compris dans l’art, et trouve une inquiétante tendance fasciste, c’est-à-dire mortelle, à sa méprisante négation » (Entretien avec Jean-Yves Masson).
C’est par l’intermédiaire de Max Schoendorff, lequel a illustré trois de ses recueils, qu’elle a connu l’URDLA. En 2008 paraît La Muette et la prune d’ente, dans la collection « La source d’Urd ». Dans ce récit elle tente d’éclaircir pour elle-même des souvenirs épars, de souffrance et de plaisir, d’une enfance morcelée. Souvenirs douloureux mais aussi émerveillement devant la beauté de la nature, qui a fait que la « muette » a voulu parler et finalement écrire.
Elle collabore à plusieurs numéros de ça presse entre 2010 et 2012. Dans « Trois passages », un ensemble de trois poèmes célébrant l’amandier, l’olivier et la mésange, « l’éclair des fleurs ensemencées d’espace », apparaît, ponctuant significativement le poème, un Nota bene : « défiance envers la mémoire et abandon aux techno-sciences ne portent-ils pas aujourd’hui une hausse tendancielle suicidaire de l’espèce ? » (ça presse, n° 47, décembre 2010).
La poésie d’Annie Salager oscille en permanence entre la louange de la nature et l’interrogation inquiète des dangers qui la menacent, entre une élévation vers la lumière du monde et le refus des forces qui l’obscurcissent. Dans son dernier recueil, La Mémoire et l’Archet, (2013) elle évoque les musiques de la vie dans « une tension entre mort et beauté » et dont finalement nous sommes nous-mêmes l’archet.
Gérard Roche