Il participe à la fondation d’Algol (1946) et de Dau al Set (1948), revues emblématiques de la renaissance de l’avant-garde catalane. Si sa principale activité demeure la poésie il se consacre également au théâtre, aux arts plastiques et au cinéma.
À partir des années cinquante son œuvre prend une direction nouvelle avec la publication du recueil Joan Brossa m’a fait. Cette nouvelle écriture poétique emprunte des formes brèves d’aspect prosaïque et des fragments bruts de la réalité quotidienne empreints d’un humour objectif percutant. Il s’agit pour lui d’aller au plus simple pour produire l’intensité la plus grande. En 1961, Brossa publie les Poèmes civils qui, en raison de la censure franquiste, ne seront accessibles dans leur version intégrale et leur traduction en castillan qu’en 1990. En 2010, l’URDLA les publie dans une traduction française par Thierry Defize. Les cent vingt textes qui composent le recueil sont d’une extrême variété, leur virtuosité tenant à un art subtil du montage, comme le précise Thierry Defize dans sa postface au recueil : « …surprise, mise à distance, explication, queue de poisson, sourire, questionnement, mise en perspective. La sécheresse du style sans effusion garantit l’efficacité du montage. » « Je pulvériserai ce poème / en une succession de petits / fragments, comme une vitre / au cours d’un accident / de voiture », écrit Joan Brossa.
Son œuvre foisonnante, aussi bien ses poèmes que ses objets, demeure inclassable, se situant à la convergence des grands courants artistiques qui ont traversé le XXe siècle. « De l’être unique que je suis émane la multiplicité », affirme Brossa. Si son œuvre plastique a été largement montrée et a obtenu une audience internationale, son univers poétique et littéraire s’est lentement diffusé en France. Peu après la parution de Poèmes civils, le Centre international de poésie Marseille lui consacrait un hommage nous permettant d’en mesurer à la fois l’importance et la singularité.
Gérard Roche