J’aime en particulier que l’emménagement et le déménagement sortent enfin du quotidien avec leurs listes et leurs cartons et retrouvent chez Chayette leur fonction religieuse et incantatoire. Un inventaire est après tout un dénombrement. L’Ancien Testament en est plein, notamment dans ses livres poétiques. La critique est passée à côté, a voulu trouver du luxe et du chic et des privilèges là où il y avait l’ennui et le vide plein du bruit terrible des maisons tenues par les domestiques. C’est énervant. Relisez Chayette et vous verrez qu’il y a tout autre chose : l’opposé de la nostalgie, la fuite incessante vers un futur plein de peines et de drôleries.
Je porte parfois un costume d’hiver gris clair fait autrefois pour Hervé, laissé par lui en cadeau. Je l’enfile, je sors. Une sourde et savoureuse euphorie s’empare de mes jambes. Je m’assieds à une terrasse ou sur un banc pour la chasser. Je vise la largeur parfaite des revers, le joli tombé des épaules. Mais non… c’est la bonne humeur qui gagne, la terrible et douloureuse chayetterie de la postérité.
Fabrice Pataut