Il est ensuite mobilisé. De sa participation à la bataille du Pacifique lors de la Seconde Guerre mondiale, il rapportera des souvenirs de corps mutilés et démembrés flottant dans l’Océan, qui reviendront plus tard hanter son œuvre. Divers prix et bourses lui permettent après la guerre de réaliser son rêve : s’installer à Paris – ce sera, en 1948, à Montparnasse. Sur l’invitation de Geneviève Asse, il y participe au Salon des moins de trente ans. En 1949, il voyage en Italie, puis rencontre la photographe d’origine suisse Sabine Weber qu’il épousera en 1950. Elle deviendra célèbre sous son nom de Sabine Weiss, pour ses photos d’artistes (Julien Gracq et André Breton, plus tard Jeanne Moreau…) mais aussi pour ses photos de mode, ses photoreportages et ses images « humanistes » réalisées dans le monde entier, comme La Petite Égyptienne. Le couple occupe au 29, boulevard Murat, dans le XVIème arrondissement, un atelier au fond d’une cour. La première exposition personnelle d’Hugh Weiss a lieu en 1949. Entre 1950 et 1975, ce seront vingt-cinq expositions dans des galeries du monde entier, notamment d’Europe et des USA. Hugh Weiss voyage avec sa femme Sabine Weiss : elle photographie, et lui peint.
En 1964, – année de la naissance de leur fille Marion –, il crée ses biplans mous. En Inde, il décroche le premier prix de la Triennale de New Delhi. L’Inde lui inspire le thème des «Éléphants et autres bêtes en 1974. Il retourne en Inde et voyage aussi en Égypte. La mythologie égyptienne devient la source de son travail sur les barques sacrées (Barque solaire, Barque Mésektet, Barque Mândjyk, Barque Néchémet, Barque Henou) de 1990 à l’an 2000. En 1995, il acquiert la nationalité française, prétendant ne préserver que trois traces de ses origines américaines : l’orthographe de son prénom, son humour caustique, et son goût anglo-saxon des calembours. Il est difficile de cataloguer l’iconoclaste Hugh Weiss. Certes, il a subi l’influence de l’éphémère mouvement Cobra – qui s’épanouit de 1948 à 1951 avec K.Appel, Corneille, Constant, Dotremont, Noiret, mais aussi des peintres nordiques et du surréalisme avec Klee, Miro, Munch, Nolde, Dubuffet. Il partage avec Alechinsky le projet d’un art révolutionnaire, pratiqué par tous. On a inévitablement mobilisé à son propos l’expression d’ « abstraction lyrique ». Figures animales et humaines baroques, couleurs franches, art sauvage, sont en effet parfois au programme, mais ses histoires à tiroirs tragi-comiques, ses traversées de la vie en biplan, en fauteuil, en éléphant moustachu ou en barque mythologique n’appartiennent qu’à lui. Ses œuvres figurent dans de très nombreuses collections. À l’URDLA, centre international de l’estampe, il a réalisé des lithographies Le Vol de Ganensha en rocking-chair en 1990, et en 2000 un livre d’artiste en édition bilingue contenant neuf lithographies en collaboration avec l’écrivain Harry Mathews, membre de l’Oulipo : Journey to Six Lands/Voyages vers le Caucase (la même année que la publication d’Angoisse et en couleurs avec le philosophe Gérard Durozoi, Somogy éditions d’art).
Odile Schoendorff