Le travail de Doris Hoppe est informé par de nombreux et longs séjours à l’étranger (France, Belgique, Suisse, Liban, Burkina Faso) qui ont souvent été pour elle l’occasion de renouveler son travail.
En 2008, elle est invitée par l’URDLA pour réaliser Fluchtlinien (lignes de fuite), et Schattenzonen (zones d’ombre), deux xylogravures, chacune en deux planches ton sur ton. Ce sont des perspectives parallèles composées de larges surfaces planes aux valeurs très contrastées. Les surfaces claires forment un contrepoint oblique à l’épure du tracé dont les lignes fines ressortent en clair sur les plans verticaux sombres. Des lignes horizontales, parallèles à la base de l’image, forment des hachures modulant les surfaces claires et accentuent l’effet général de grille. Les deux estampes sont des reprises d’une même étude différemment cadrée. La seconde fait partie d’une commande spéciale de gravures monumentales au format imposé (160 x 120 cm), proposée à treize artistes pour l’exposition XXX Ailes, à l’occasion des trente ans de l’URDLA.
Dans ces gravures, Doris Hoppe met en œuvre deux éléments caractéristiques de son travail de l’époque : le paysage urbain et la perspective cavalière.
L’usage d’une perspective parallèle en position cavalière est déjà présente dans les tailles-douces puis dans les lithographies des années 90. Ces images montrent des personnages dans un espace théâtral. Le décor est principalement constitué de mobilier, sofa, fauteuil, lit, rarement une table, souvent quelques lignes accentuent la géométrie de la scène (un pan de mur, une porte). L’atmosphère est amicale, calme, oisive, évoque le réveil ou la sieste, l’heure du thé, les soins au malade, la conversation. Des personnages au repos sont couchés, d’autres, assis par terre ou vaquant à de menues occupations, restent en leur présence. Comme dans les pièces réalisées pour l’URDLA, le point de vue utilisé met le spectateur dans une position de surplomb, lui propose un dégagement qui laisse l’image à son espace spécifique, la pousse vers l’abstraction et ses éléments vers le signe.
Le paysage urbain apparaît à la fin des années 90 comme une obstruction de la vision par les éléments du décor. C’est l’époque des séjours à Beyrouth. Les compositions qui étaient jusqu’alors centrées sur le personnage au repos s’étalent maintenant régulièrement d’un bord à l’autre de l’image dans un réseau de lignes parallèles qui voile notre vue comme un rideau de scène.
La fuite ne trouve pas d’issue dans le plan de l’image mais les zones d’ombres préservent la vie.
Philippe Deléglise